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Rechercher : Martiel Victorain : écrivain

Forum avec K. Berger et J.Kelen, écrivains

 

FORUM104
104 rue de  Vaugirard - 75006 Paris
M° St Placide ou Montparnasse

mercredi 30 novembre de 20h à 22h
Des femmes et de Dieu
Avec Jacqueline KELEN et Karima BERGER

 

 

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Jacqueline KELEN
auteure entre autres de 
Les femmes dans la Bible
et Lettre d’une amoureuse à l’adresse du pape

 

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Karima BERGER auteure entre autres de
Eclats d’islam, chroniques d’un itinéraire spirituel et  Rouge Sang Vierge


 

Cette soirée est organisée en partenariat avec l’ISTR (Institut des Sciences et Théologie des Religions). Deux femmes, l’une chrétienne, l’autre musulmane, partagent leur vision des femmes à partir de leur propre enracinement culturel et religieux. Elles témoignent de la place du divin dans leur existence et s’interrogent sur leur rôle et leur mission au sein des institutions religieuses. Cette soirée est aussi une invitation à poursuivre la réflexion par le cycle de six conférences qui se déroulera de janvier à avril 2012 à l’ISTR sur le thème « Les femmes au regard de six grandes traditions religieuses » (informations sur www.ipc.fr/istr ou par courriel : istr@icp.fr).

 

 

 

 Participation aux frais : 10€, adhérents : 5€

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23 novembre 2011 | Lien permanent | Commentaires (1)

Estienne Dolet. Un écrivain de la Renaissance mort sur le bûcher

 

Estienne Dolet 
Un écrivain de la Renaissance mort sur le bûcher    
Roger Bevand
Editions de l’Harmattan ( 2016)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

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03 novembre 2016 | Lien permanent

Lilie-Miracle

 

Lilie-Miracle
Martial Victorain
L’Astre Bleu Editions (2017)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

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14 octobre 2017 | Lien permanent | Commentaires (3)

L'Homme en équilibre.

 

L’Homme en équilibre
Martial Victorain
Paul & Mike éditions (2015)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

   image homme.jpgAccéder à l'article : L’Homme en équilibre

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02 janvier 2016 | Lien permanent

Fernand. Un arc en ciel sous la lune.

Fernand. Un arc-en-ciel sous la lune. 
Martial Victorain
L’Astre Bleu Editions (2013)

 

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(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

 

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La cantilène de Sainte Eulalie

La cantilène de Sainte Eulalie     
Roger Bevand    
L’Harmattan (2017)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

    image cantilène.jpgLa lecture de La cantilène de Sainte Eulalie, un manuscrit anonyme du IXe siècle à « l’écriture (…) belle et soignée, une minuscule caroline ronde, élégante et très régulière, sans aucune rature » émeut tellement  Roger Bevand par sa beauté, son rythme, ses sonorités,  qu’elle met en branle son imagination.  Le petit texte de vingt neuf vers incite l’écrivain bouleversé par sa magnificence à imaginer une créatrice et ce qu’aurait pu être sa vie. Une jeune fille, Mathilde,  aurait pu rédiger ce poème d’une « musicalité si particulière, si harmonieuse pour l’oreille, si mélodieuse et si tendre à la fois »  en l’honneur de  la « jeune chrétienne hispanique autrefois martyrisée pour sa foi (…)». Comme l’auteure présumée de la cantilène, Roger Bevand prend certaines libertés avec la réalité. Alors que Mathilde fait mourir décapitée Eulalie en réalité brûlée sur un bucher, Roger Bevand, lui,  imagine une femme à l’origine du poème dans un univers poétique masculin. Avant la comtesse de Die au XIIe siècle, avant Marie de France, Louise Labé …, les femmes de plume en effet n’ont pas l’heur d’exister.

    Découverte au XIXe siècle par un jeune linguiste allemand, La cantilène de Sainte Eulalie,  première œuvre littéraire de notre langue, (écrite en langue vulgaire et non pas dans la langue sacrée et officielle qu’est le latin) conduit Roger Bevand  à donner naissance à un ouvrage au titre éponyme. Histoire et fiction se tissent alors avec subtilité dans un roman à la fois sujet d’érudition et objet littéraire. Des personnages ayant existé, le roi Charles le Chauve, l’évêque Gozlin, le prieur Vulfarius,  le moine Hucbald, des mots anciens et  spécialisés, « écolâtre », « Tonlieu », « saie », « rotulus », des détails descriptifs précis confèrent l’authenticité à la narration et l’ancrent dans le réel. Le narrateur recrée avec précision la vie quotidienne de l’époque. Les activités des moines sont énumérées : « éplucher les fèves, laver les souliers, arracher les mauvaises herbes du jardin. Certains des Frères, les plus habiles de leurs mains, oeuvrent aussi au scriptorium comme enlumineurs, relieurs ou confectionneurs de cahiers à partir de peaux animales (…) ». Le narrateur présente les mets  offerts lors d’un repas chez  un comte : « Et  sur des plats de terre, diverses  nourritures appétissantes et fumantes, déployées en abondances : bouillon de viande au pain trempé,  brochet cuit au four, longe de porc mariné, purées  de fèves et de pois chiches. Presque tous les mets avaient été arrosés de garum, ce condiment issu de la macération dans le sel d’huître, d’esturgeon et d’intestins de scombre ». Baudoin d’Ostrevant au cours d’une discussion avec son cousin le vieux prieur Vulfarius  nomme les armes des Normands et les moyens de  protection des soldats de la Francie : « Ces Barbares sont bien armés maintenant : épées à double tranchant, lances, javelots, piques, fléaux, haches de combat (…) Heureusement, nos armures – heaumes, haubert, broignes – sont plus efficaces que les leurs, ils doivent pour l’instant se satisfaire de leurs cottes de mailles. Et nous avons d’excellents rondaches pour nous protéger de leurs coups ». Une abondante documentation nourrit le roman avec une visée didactique. Une boulimie documentaire alimente les discours, les dialogues, les descriptions.

    Dans  le roman historique La cantilène de Sainte Eulalie,    le narrateur  ne se contente pas  de peindre  la vie  monastique du IXe siècle.   Il conte les cruelles exactions commises par les Normands (« Tous les quatre ont eu la tête tranchée avec l’une de ces haches que ces chiens manient avec tant d’habileté »), révèle les mentalités, les moeurs de l’époque, dévoile, par exemple,   les coutumes discriminatoires à l’égard des jeunes filles n’appartenant pas à la noblesse. En effet, les petites  roturières, les fillettes de « basse extraction »  n’ont pas accès l’instruction : « A moins qu’elle ne soit de sang noble, aucune fille ne peut recevoir d’instruction ». Maléfique, la femme, objet de mépris surtout pour les religieux intégristes, représente un danger : « par sa nature même la femme se complaît à errer dans le voisinage du Malin ».  Ses cycles menstruels  épousant le rythme de la nature font d’elle un être insaisissable, mystérieux  et dangereux. La femme est l’instrument du mal : « Ne savez-vous pas que les femmes sont des êtres cosmiques, qu’elles appartiennent aux forces infernales et nocturnes, et que leur cycle est étrangement de vingt-huit jours, tout comme celui de la lune ? ».  Il existe dans l’idiosyncrasie des conservateurs une nature féminine.  L’écrivain-historien plonge le lecteur dans l’univers et les mentalités d’un passé obscurantiste.  Mais derrière le tableau de la société médiévale apparaissent en filigrane certaines tares du XXIe siècle qui sombre lui aussi dans l’intégrisme.

    Cependant le texte de Roger Bévand ne se limite pas  seulement à dévoiler la réalité  historique d’une époque lointaine dont les travers se retrouvent malheureusement au XXIe siècle, il est aussi et surtout un objet littéraire. Les mots, les images, des personnages émouvants et fictifs comme Mathilde, belle enfant intelligente dotée d’une voix céleste,  touchent la sensibilité et l’imagination du lecteur qui découvre l’existence de deux fillettes.

    Dans La cantilène de Sainte Eulalie de Roger Bevand,  un peu plus de cinq siècles séparent deux fillettes : Eulalie, jeune noble des  « faubourgs de Mérida, cité hispanique de l’Empire romain », et Mathilde, petite roturière abandonnée à la naissance au pied de l’ « Abbaye de moniales de Saint-Pierre de Hasnon, dans le nord du royaume de Francie occidentale ». Malgré l’éloignement social et spatio-temporel,  leurs histoires  se mêlent.  Deux rencontres à travers le temps et à travers les mots emportent le lecteur dans un voyage dans leur passé. La vie de Mathilde est une espèce de mise en abyme de celle d’Eulalie. Alors qu’un bel avenir s’offre à elle, Eulalie s’oppose violemment  et rageusement  au « dernier édit en date de Dioclétien, l’empereur de Rome (qui) veut contraindre les chrétiens à rendre hommage aux idoles païennes, ces dieux imaginaires et ridicules ! ». Elle se sacrifie pour défendre sa foi. Mathilde, quant à elle, se sacrifie  aussi pour le Seigneur, mais avec joie et amour : « Je vais porter la Bonne Parole à leur roi, et avec l’aide de Dieu et d’Eulalie, je le conduirai vers la Vraie Foi ». Le but des deux jeunes filles est le même. Mais les méthodes diffèrent : alors qu’Eulalie était dans la violence, Mathilde est dans la paix et l’amour. Or un « monde nouveau » ne peut naître que d’une religion d’amour, de paix, une religion tolérante, ouverte comme celle mise en application par Mathilde, Mère Bérangère et par  le moine Hucbald, homme cultivé, moderne, généreux, annonciateur par de nombreux  aspects de la Renaissance.  

     Avec son dernier roman, Roger Bevand sort la séquence de Sainte Eulalie, texte fondateur peu connu de la littérature française, de l’obscurité et le fait découvrir aux lecteurs du XXIe siècle. Il cerne les faits avec l’acuité de l’historien et la charge émotionnelle de l’homme de Lettres.  Il observe avec le recul du mémorialiste, de l’anthropologue et le regard critique de l’homme contemporain. En même temps, il donne à voir et à vivre l’expérience sensible immédiate de personnages dont il imagine en tant qu’écrivain  le ressenti et les réflexions. Et surtout il prouve que malgré la violence des guerres et des hommes, la nostalgie éprouvée par certains pour un passé rigoriste dépourvu de tout humanisme, il faut toujours avoir confiance  en l’avenir. Le petit chef d’œuvre qu’est la cantilène de Sainte Eulalie constitue un extraordinaire message d’espérance.

 

Du même auteur :

Les chiens du Seigneur. Histoire d’une chasse aux sorcières

http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2016/09/03/les-chiens-du-seigneur-5843617.html

Estienne Dolet. Un écrivain de la Renaissance mort sur le bûcher

http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2016/11/03/estienne-dolet-un-ecrivain-de-la-renaissance-mort-sur-le-buc-5869860.html

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12 octobre 2018 | Lien permanent

Mon livre d'heures

Mon livre d’heures
Nélida Piňon
Traduit du portugais  (Brésil)
Par Didier Voïta et Jane Lessa
Edition des Femmes, Antoinette Fouque (2018)

 

((Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

   immage nélida.jpg Mon livre d’heures, le titre pluriel du livre de Nélida Piňon aux multiples horizons d’attente : un livre destiné aux initiés ? Les lecteurs brésiliens, les amoureux de la littérature, de la Culture, les passionnés, comme la narratrice,  de mots,  « J’ai toujours partagé ma vie avec les mots », et de belles  lettres consolatrices : « J’ai appris à réclamer de ces héros épuisés de l’écriture un réconfort sur les chemins rocailleux de la vie quotidienne », magnifiant et transfigurant la fade réalité de tous les jours : « «Je croyais, comme je le crois encore aujourd’hui, que la réalité, absente de la scène et des pages de la littérature, est ténue et fade ».  ? Mon livre d’heures, un récit personnel à la première personne du singulier,  un monologue intérieur tricotant vécu et fiction, adressé au lecteur, véritable prose poétique ancrée dans la littérature, la Culture antique et moderne : l’auteure perçoit son époque, son passé à travers toute sa culture littéraire et  artistique.  Un livre parcellaire, « acte de bravoure et de solitude »,  racontant des fragments d’existence traversés de personnes réelles, de personnages littéraires et mythologiques, narrant la vie d’Yseult, du mulâtre Machado...  En se plongeant dans cet ouvrage, le lecteur pénètre  l’imaginaire de Nélida Piňon structuré par des repères culturels, artistiques, poétiques forts qui enrichissent sa vision du réel et lui donnent une intense beauté : « A toute heure, et plus particulièrement à la tombée de la nuit, je suis encline à exercer mon imagination. Il est facile de voir les Champs-Elysées plus beaux que je ne le supposais, avec le regard emprunté à Virgile ou à Enée lui-même (…) ». La narratrice confie  son intimité, seulement ce qu’elle veut bien en  dire toutefois, (« Les confidences elliptiques ou poétiques restent de mon ressort. »), son passé  (« Je retourne à certaines nuits de Noël. Décembre me vient en aide sur les chemins de la mémoire. Je suis entourée de visages familiers qui dégustent le vin indiqué par mon grand-père (…) ») sa mémoire, celle de sa famille, de son peuple, tout ce qui a précédé son existence.  Nélida Piňon s’inscrit dans une lignée géographique, religieuse, mythologique : « Le passé me protège. A ma complicité avec les Grecs je dois la croyance en l’immortalité, à l’idée que je suis un maillon de la chaîne humaine ». Ses ascendants proches et lointains, ses rencontres, ses lectures multiples ont façonné sa vision du monde. Les êtres disparus, les souvenirs, les objets leur ayant appartenu, subsistent en elle (« Ils ont fait de moi qui je suis »). Elle est  porteuse du passé inscrit non seulement dans sa mémoire mais aussi dans son ADN.

    Mon livre d’heures  est un véritable héritage culturel, un palimpseste extraordinaire riche d’idéaux humanistes : « (…) je persiste à inscrire certains principes sur la Déclaration des droits de l’homme ». La narratrice  fidèle à ses amis ne les trahit pas : « Mes amis doivent avoir confiance en moi. Je leur donne des preuves de ma loyauté et ne trahis pas les secrets qu’ils me confient ». Avec  un grand souci de l’écriture perçu malgré la traduction,  avec un style métaphorique, sensuel qui use parfois du détour pour dire les choses,  Nélida Piňon raconte des moments de sa vie, loin d’une écriture autobiographique convenue, fléchée.  Elle brise le cadre du récit de vie chronologique. Le lecteur flâne en sa compagnie dans les rues new yorkaises ou brésiliennes, s’arrête avec elle pour « prendre un café ou un Coca-Cola »  dans un bar ou pour déguster un pain de maïs. Il écoute l’histoire d’Ulysse ou celle de Gravetinho, son chien tendrement aimé qualifié de « vrai  bonheur ».  Le lecteur accompagne ses réflexions  sur la vie présente et passée, -  son hommage à la vie - , sur sa vénération de la langue brésilienne et du Brésil,  sur la mort,  ses analyses sur le thème de la mémoire,  sur l’amour, sur la politique, sur l’écriture et les écrivains  dans cet essai qui dit sa volonté de vivre en savourant chaque instant capté avec émotion et tendresse avant que la mort ne vienne tout éteindre : «  (je) laisse ouverte la porte de la maison afin de faciliter l’entrée de la dame à la faux. Elle viendra comme une amie depuis longtemps attendue ».

     Mon livre d’heures est un livre qui « épouse les phases de la vie. Il est fébrile, il trébuche, il jubile, il passe par les étapes de l’existence ».    Cette œuvre littéraire offerte en cadeau par une femme sans enfants désormais avancée en âge constitue une véritable célébration de la Culture et de l’imagination. C’est une façon pour Nélida Pinon de laisser une trace de son  passage sur terre tout en prouvant l’importance de la culture dans la vie et dans l’acte créateur : « Aux yeux de beaucoup, ce concentré de mythes et de légendes est une atteinte à la logique et à la rationalité, mais pour moi il élargit l’horizon créateur ». Mon livre d’heures est  un magnifique ouvrage excellemment traduit du portugais par Didier Voïta et Jane Lessa qui dément l’expression « traduttore traditore ».

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25 décembre 2018 | Lien permanent

Autour de madame Braoul

Autour de madame Braoul
Janette Ananos
Les Découvertes de la Luciole, (6 juin 2018)

 

(Par Annie Forest-Abou Mansour)

 

   image.jpg Dans  les  treize nouvelles de Janette Ananos, Autour de madame Braoul, des destins de femmes se croisent au fil des années.  Leurs « pans » de vie se tissent autour de l’institutrice Geneviève Braoul, trentenaire dans les années cinquante. Des souvenirs émouvants, des moments insignifiants mais essentiels et  cruciaux pour Catherine, Henriette, Agathe, Muriel..., des filles, des mères, des grands-mères, des amies,  sont capturés, ressuscitant les différents âges de la vie des protagonistes. Des tableaux sur les mœurs  du début du XXe siècle et sur les décennies suivantes, sur les états d’âme des enfants, des jeunes et des adultes, témoignent de la vie de personnes banales, de modeste extraction, issues d’un milieu provincial.   

    Les fillettes sillonnant l’ouvrage vivent à Sintanne, un village du Béarn traversé par un petit ruisseau. Comme dans un roman, le lecteur retrouve au détour d’une page, la petite fille, l’adolescente puis la femme mûre. Josiane, absente car alitée,  dans le « Tablier de la discorde » est présentée comme une fillette « fragile ». Dans la nouvelle suivante, « Sans tuteurage », le lecteur apprend  qu’elle « était comme l’abuliton, fragile, fragile physiquement » et que la « tuberculose (…) l’a brutalement emportée ». Ce personnage en creux est seulement présent dans les discours et dans les pensées des différents protagonistes comme  dans ceux de sa fille Muriel et de  tante  Agathe. Elle n’apparaît jamais.

    Ces nouvelles  rétablissent une mémoire oubliée, renouent les liens entre le passé et le présent,  se répondant avec subtilité.  Dans « Douce matinée pour un pèlerinage »,  Henriette se souvient de sa vie, de la visite de Catherine et de sa grand-mère rencontrées par le lecteur dans la seconde nouvelle : « Une image fugitive lui traverse l’esprit, celle de sa belle sœur à cette même place, et de Catherine, toute jeune à l’époque ». Henriette,  devenue une octogénaire,  revit mentalement sa jeunesse en musardant dans son jardin, en se remémorant tous ses animaux enterrés « sous le lilas mauve », « entre les deux rhododendrons »... La chute de la nouvelle note simplement qu’ « Henriette revoit Doucette et Kali, et tous les autres en cortège » après s’être « affaissée doucement ». Dans la nouvelle suivante, Lucette et René, son mari,  discutent, évoquant l’été précédent : « L’été dernier, au repas du village, le soir de la fête, on était placés à la même table qu’Henriette, tu te rappelles ? Sa dernière fête, tiens, la pauvre … ». Le couple confirme ce qui n’était qu’évoqué elliptiquement. Jamais l’auteure ne s’appesantit sur les faits. Elle les narre  avec délicatesse et subtilité ne s’autorisant aucun pathos, aucune lourdeur.

     De façon fluide, par petites touches, les nouvelles se lient entre elles. Catherine, élève de madame Braoul, devenue enseignante, est d’une certaine façon l’héritière spirituelle de son ancienne institutrice.  Toutes deux constituent le fil conducteur entre les brefs récits. Aux nouvelles, succèdent à la fin de l’ouvrage un échange épistolaire entre Catherine, désormais retraitée, et la vieille professeure des écoles. Les deux femmes rétablissent avec émotion et nostalgie une mémoire oubliée : « Voir ressurgir ce texte enfoui dans le passé m’a littéralement enchanté car c’est par une espèce de magie que je me suis vue réinstallée dans votre classe ! J’en ai redécouvert les pupitres de bois, les encriers de porcelaine blanche dont les bords devaient être immaculées lorsque nous quittions l’école en fin d’après –midi (…) ». D’une nouvelle à l’autre, au sein de récits partiels, d’anecdotes disparates, les événements se rassemblent comme les brins de laine d’un patchwork.

    Les nouvelles font renaître la mémoire d’une époque révolue où les femmes confectionnaient elles-mêmes les vêtements avec des coupons de tissu enfermés dans leurs armoires : un « joli écossais, un coton bien solide » »  ne correspondant pas forcément aux goûts des adolescentes  qui  ne choisissaient pas leurs atours. Les grands-mères portaient une « robe noire à minuscules fleurs mauves », « des (…) peignes courbes (…) rete(naient) (leurs) cheveux blancs au-dessus des tempes ». Comme avec d’anciennes photographies couleur sépia, les coutumes, les modes d’alors reviennent à l’esprit des lecteurs. Les soucis et les drames de la vie quotidienne surgissent : les petits litiges entre conjoints retraités, leurs soucis de communication, l’érosion des sentiments, sont  montrés avec humour et tendresse dans la nouvelle « du riz pour les perdreaux ». Le récit « Marie-Rose dans l’Entre-Deux » évoque les pertes de mémoire et de repères temporels,  la tristesse de la solitude, du veuvage auquel le survivant ne s’accoutume pas : « Tout à l’heure, elle s’informera auprès de son mari, lorsqu’il rentrera. (…) Un doute la saisit, comme une ombre, qu’elle chasse d’un revers de main ». Or Jean ne pourra jamais fournir la réponse attendue. Le monde réel et ses  difficultés sont donnés  à voir. Le monologue intérieur d’ « Un hasardeux découpage » dit les frustrations, le constat amer des conséquences de la misère sur la vie de la fillette: « Pourquoi les gens qui donnent des vêtements d’enfant à sa mère lui donnent-ils toujours des vêtements si laids, si sombres, si tristes ? ». Le groupe ternaire lyrique souligne son incompréhension, son indignation devant ces dons dépourvus de toute esthétique, comme si ce qui était laid était destiné aux seuls démunis. Derrière le constat apparaît une réflexion, une critique implicite. En disant, la narratrice dévoile, critique sans faire acte militant cependant.

    L’écrivaine se fait ethnologue et peintre. Elle se contente de montrer et de peindre la société telle qu’elle est, sans porter de jugement de valeur.  Une visite à des cousins sert de prétexte à  révéler le harcèlement sexuel qui peut  surgir dans tous les milieux, même dans les familles, là où l’on s’y attend le moins. Dany, la fille de madame Braoul, dans « Ce que mère veut… »,  part en voiture avec son oncle Hervé. Elle se heurte à  l’agissement à connotation sexuelle négative de ce dernier : « (…) la main d’Hervé se pose sur son genou, étreignant celui-ci à travers l’épais tissu de la jupe. (…) Dany, saisie à la fois de dégoût et d’épouvante, sent les doigts de l’homme sur sa cuisse ». Janette Ananos débusque tous les maux quotidiens de la vie, dénoue des nœuds de perversité qui enfièvrent  les relations familiales. A travers des monologues intérieurs, des dialogues   prouvant que le réel n’existe pas en dehors des pensées, des ressentis, des perceptions des personnages, de leurs échanges,  elle est attentive à tous les dysfonctionnements familiaux et  sociaux.

    A la petite histoire  Janette Ananos  mêle la grande Histoire : « Louis, le grand-oncle de Catherine, (…) a traversé les Pyrénées, à 22 ans en 1943, pour rejoindre De Gaulle (…) » afin d’échapper au STO. Il a connu les camps, la faim, le froid. Après les attentats terroristes qui ont secoué le début du  XXIe siècle, des préjugés, des angoisses minent les esprits et les cœurs. Des amalgames fleurissent. Tous les gestes d’un « beau gars, de type maghrébin » dans « Alors, Charlie ? » font naître des soupçons chez Marie lorsqu’elle accompagne sa petite fille, son mari et leur fillette à l’aéroport. Elle interprète négativement la moindre des actions du jeune homme : « le texto si bref, le sac de sport si démesuré, le journal qu’il ne lisait pas (…) ». Elle imagine le pire.

     C’est avec une écriture délicate et poétique (« le chien zigzagant, que sa course sinueuse mène d’une fragrance à l’autre, d’un bord du sentier à l’autre, les arbres qui délimitent cette ancienne voie ferrée devenue promenade, le vent frivole qui taquine les feuillages, message de fraîcheur bienvenue dans cette fin de matinée déjà torride du mois d’août…  »)  que  Janette Ananos plonge le lecteur dans l’existence de toutes ces figures féminines. La forme de la nouvelle convient très bien pour donner tous ces aperçus du réel, ces petits faits qui constituent des fragments de la vie des villageois de Sintanne : ceux qui  sont restés dans ce village, ceux qui l’ont quitté ou ceux qui sont revenus. Cette cristallisation d’instants dans des nouvelles qui se répondent comme les chapitres d’un roman embarque le lecteur dans la nostalgie des souvenirs.

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27 juin 2018 | Lien permanent | Commentaires (2)

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